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7 novembre 2010 7 07 /11 /novembre /2010 21:33

luftmenschen antiséxisme

L'antifascisme n'est pas un prétexte pour l'expression du sexisme

 

La manifestation parisienne pour le droit à l'IVG aura rassemblé plusieurs milliers de femmes et d'hommes, c'est une bonne nouvelle pour le nombre, mais ceux qui y ont participé auront aussi remarqué la montée qualititative du front anti sexiste et anti patriarcal. C'était un simple défilé, mais qui a rassemblé des jeunes et des moins jeunes, des lycéennes, des étudiantes et des infirmières, beaucoup de travailleuses et travailleurs du secteur hospitalier qui avaient fait le choix, en ce samedi pluvieux  de lier ce combat à celui de la défense des retraites.

 

La conscience de la menace qui pèse sur le droit à disposer de nos propres corps s'étend: nous avions pris pour acquis l'accès à l'IVG, et pour beaucoup d'entre nous, les milliers de participants aux manifestations « pro vie », qui sont venus grossir les rangs des quelques centaines de participants aux commandos anti IVG des années 90, ont été un véritable choc.

 

Surtout dans un contexte ou le droit à l'IVG devient de plus en plus virtuel pour les femmes prolétaires : chaque année 5000 femmes partent avorter à l'étranger faute de place dans les hôpitaux français. Cela donne une idée de celles qui n'ont pas les moyens de faire ce voyage et se retrouvent de fait avec une maternité non désirée. De cette réalité là, seules transparaissent dans les médias capitalistes les histoires de ces nouveaux nés trouvés dans des poubelles ou laissés à la porte des hôpitaux, mises à la rubrique faits divers afin de culpabiliser un peu plus les femmes et notamment les jeunes.

 

Naturellement l'accès rendu payant à l'Aide Médicale Etat va encore restreindre l'accès à l'IVG, et pas seulement des femmes étrangères: en effet, presque tout le monde l'ignore, mais l'accès à la CMU n'est plus immédiat et nécessite l'instruction préalable du dossier. La fourniture d'un justificatif de résidence stable depuis trois mois au moins sur un département pose de nombreux problèmes aux plus précairEs d'entre nous. En cas d'urgence, c'était l'AME qui était sollicitée par exemple pour des femmes en errance. Tout droit d'accès, même minime va créer de nouveaux problèmes. Surtout dans un contexte ou ce ne sont pas seulement les plannings familiaux qui sont fermés faute de moyens, mais aussi les permanences sociales d'accès aux soins des hôpitaux publics.

 

L'affluence à la manifestation d'hier , le départ possible de nouvelles mobilisations, renforçant celles qui existent déjà, notamment contre la fermeture de certains services hospitaliers est donc un signe d'espoir.

 

Il aurait fallu être bien optimiste pour ne pas s'attendre à ce que les mouvements fascistes et religieux tentent de s'attaquer à cette mobilisation. Les nervis de l'extrême droite et du Vatican ont été extrêmement frustrés ces derniers temps, car toute confrontation avec le mouvement de classe en cours était impossible vu le rapport de force, notamment au sein des manifestations.

 

Aussi, cette manifestation a-t-elle été perçue par les plus jeunes notamment comme un occasion plus « facile ».

 

La veille , des faux communiqués d'annulation de la manifestation avaient tourné sur les sites d'open publishing, comme Indymedia ou Bellaciao, ce qui pose une nouvelle fois le problème du fonctionnement même de ces sites et la possibilité d'y répandre des rumeurs de ce type , nuisibles à l'ensemble du mouvement.

 

Pour la plupart des manifestantES nous étions donc préparées au débarquement fasciste, qui a bien eu lieu, mais finalement assez limité: au mieux une trentaine de personnes, uniquement des hommes et la moitié qui a osé tenter une timide contre manifestation, au milieu du parcours.

Malheureusement, certaines avant garde autoproclamées du mouvement en sont encore à penser que les « gens ordinaires » et surtout les femmes ne peuvent se défendre seules et que le rôle de leurs organisations politiques est d'agir à leur place, sous prétexte de les « protéger ».

 

Outre les trente chevaliers blancs de l'ordre moral, nous avons eu droit aux soixante chevaliers noirs de l'antifascisme « radical » du NPA et d'Alternative Libertaire. Dans le « service d'ordre » qui, de fait a fait sa petite manif parallèle tout le long du cortège, il y avait en effet tout au plus cinq ou six femmes.

Au point de rassemblement, les fascistes ont envoyé deux émissaires pour filmer le cortège: rien de vraiment catastrophique, c'est une manifestation publique et nous n'avons pas peur de défendre l'IVG à visage découvert. Ce n'était évidemment pas une raison pour les laisser faire, et pas mal de manifestantEs se dirigent rapidement vers eux. Seulement, ils sont très vite entourés par les soixante vaillants gaillards du NPA et d'AL dont le chef se permet de regarder de travers ceux et celles qui ne font pas partie de son groupe.

 

Ce monsieur donne immédiatement le ton : « ici, c'est MA manifestation, pas la vôtre », argumente-t-il.

 

C'est un bon résumé de ce que va être le comportement de ce SO toute la manifestation. La trentaine de jeunes fascistes se réfugie d'abord dans un café de la Place d'Italie, quelques uns venant directement provoquer le groupe d'hommes du NPA et d'AL. Celui-ci se masse devant le café , mais ne fait absolument rien, à part quelques ridicules démonstrations de militarisme d'opérette, le boss du NPA étant manifestement très fier de montrer à la fratrie d'en face que son groupe recule quand il braille «  Un pas en arrière » . Le ridicule ne tue pas, mais le sexisme oui:  peu à peu, on se lâche, et les fascistes s'entendent dire par exemple «  Tu serais mignon à poil ». Certains d'entre eux ont du se dire que les convictions des militants du NPA n'étaient pas si éloignées de leur manière de voir, finalement...

 

Pendant ce temps, la manifestation démarre: les cortèges sont compacts et beaucoup de participantEs sont spontanément vigilantEs , notamment aux carrefours: s'il est évident que les fascistes visibles à ce moment là n'ont pas l'intention d'attaquer le cortège, la possibilité que d'autres tentent une incursion surprise existe. L'avant veille, à un rassemblement devant l'hôpital Tenon, une camarade s'est faite rouer de coups par un individu isolé alors qu'elle diffusait des tracts.

 

Seulement, les « SO » du NPA et d'AL ont eux décidé de ne pas s'intégrer dans le cortège, mais de défiler à ses côtés sur le trottoir: l'ambiance viriliste est telle qu'ils se prennent la tête entre eux à plusieurs reprises. De fait, nous nous retrouvons à défiler sous la « surveillance » de soixante hommes en parade.

 

Les jeunes fascistes finissent par partir en avant, et se positionnent à une bouche de métro avec un mégaphone, décidés à brailler leur saloperie au passage du cortège.

 

Leur voix aurait été bien vite étouffée par les slogans de la manifestation, qui a déjà hué deux autres anti IVG qui ont déployé une banderole de la fenêtre d'un hôtel.

 

Mais la confrontation n'aura pas lieu à cause de l'autoritarisme du NPA et d'AL: les deux SO avancent plusieurs dizaines de mètres devant la tête de la manifestation et vont se permettre une charge contre les fascistes. Lorsque le cortège arrivera à leur niveau, ils se seront déjà dispersés, et ce d'autant plus que la police en a arrêté quelques uns.

 

On suppose que les chevaliers noirs du NPA et d'AL sont très satisfaits de leur initiative : quelques coups contre quelques fachos, c'est toujours ça pour alimenter les soirées buvette d'anecdotes virilistes et suffisamment pour se faire mousser devant le SO de la CNT-F qui n'est pas venu cette fois ci.

 

Mais ce qui s’est passé hier n’est pas juste un « détail » gênant pour les antifascistEs féministes qui ont participé à cette manifestation : nous ne sommes pas disposéEs à accepter un retour des valeurs et des pratiques de l’antifascisme « radical » de l’extrême gauche des années 90.

 

-L’antifascisme n’est pas une « spécialité » réservée à des militants qui se pensent confirmés : dans chaque lutte, c’est à celles et ceux qui la font de produire leur propre résistance, leur propre autodéfense face aux fascistes organisés. Cela ne signifie pas que certains camaradES plus informés, par exemple n’aient rien à dire où à apporter mais en aucun cas de l’extérieur, qu’il s’agisse de la production du discours ou de la protection physique de nos luttes.

 

L’antifascisme n’est pas la constitution de milices semblables à celle des fascistes : aucun service d’ordre n’est légitime s’il n’émane pas de la lutte elle-même. Si des groupes d’individus ou des organisations estiment que la ligne à suivre est la confrontation physique avec les groupes fascistes, et estiment aussi que la sécurité leur impose de le faire en groupes fermés, pas de souci : mais dans ce cas qu’ils organisent leurs propres initiatives sur cette base. Et le fait d’appeler à une initiative commune n’autorise certainement pas une organisation ou une autre à y développer sa propre stratégie.

 

 

L’antifascisme ne sera pas un prétexte au sexisme : les comportements virilistes n’ont pas à être tolérés, et encore moins leur prétendue justification pratique : la « sécurité ». De fait ils aboutissent systématiquement à une mise en danger du groupe principal : se déplacer parallèlement à un cortège, multiplier les escarmouches verbales avec quelques fascistes crée inévitablement une dispersion des manifestants qui vont voir ce qui se passent, et les petits attroupements sont justement la cible idéale pour des contre manifestants bien organisés. Sans compter l’éventuelle réaction policière en cas d’incidents physiques, les arrestations étant facilitées lorsque des groupes sont éloignés du reste de la manifestation.

 

Il ne s’agit pas de contester la nécessité de l’auto défense physique, et donc pour chaque militant de se préoccuper de ce problème ; il ne s’agit pas de contester la nécessité éventuelle d’un service d’ordre, mais celui-ci doit être au service des manifestants, et pas l’inverse

 

          -L’efficacité de l’antifascisme ne se mesure pas au nombre de fascistes qui ont pris un coup de poing ou de gazeuse, mais à la réussite ou non de leur iniative. Hier ils ont été dispersés, mais les photos prises par les médias ne montrent pas le cortège principal opposé aux vingt minables nazillons, mais un groupe de bonhommes se battant contre un autre groupe de bonhommes

 

L’enjeu antifasciste n’est pas uniquement la guerre contre les groupes fascistes organisés ; c’est d’abord la bataille culturelle qui importe.

 

Mais force est de constater qu’il n’y a guère de différence entre la culture d’un nervi catholique qui prétend interdire aux femmes de disposer de leur propre corps et celle d’un nervi du NPA qui parle d’une manif antisexiste comme la SIENNE propre et se permet d’en prendre la tête pour ses propres intérêts.

 

 

Le mouvement féministe et antisexiste actuel a la force de répondre aux provocations fascistes : et en son sein, notamment lors de cette manifestation, d’autres membres de groupes spécifiquement antifascistes n’ont pas éprouvé le besoin de se distinguer de leurs camaradES, ou de faire leur publicité, le discours tenu étant suffisamment clair en lui-même.

 

Nous n’avons aucune raison de tolérer les récupérateurs divers et variés, les mêmes d’ailleurs qui nous expliquent à longueur d’élections que la meilleure manière de combattre l’extrême droite, c’est de voter NPA. Les mêmes pourtant qui n’hésitent pas à s’afficher avec des religieux réactionnaires comme Tarik Ramadan, et dont le service d’ordre se montre beaucoup plus discret lorsque des organisations antisémites défilent à leur côtés notamment dans les manifestations dites de solidarité avec les Palestinien(n)es.

 

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commentaires

L
Second: it doesn’t matter anyway because “three hundred” isn’t at issue: make it 302.
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