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25 juin 2011 6 25 /06 /juin /2011 17:20

Insécurité bellevilleCe dimanche, Place de la République, l'uniformité se situait du côté de la police : gardes mobiles, CRS et des dizaines de civils unis pour gérer une bien étrange et involontaire cohabitation.

La Place de la République, c'est d'abord ses tentes Queshua, alignées sur les pelouses, qui depuis longtemps ne ramènent plus l'intérêt médiatique qu'elle suscitaient du temps des Don Quichotte. Campements évacués et régulièrement réinvestis par des pauvres de partout.

D'autres « campeurs », volontaires,  ont un peu plus l'attention des journalistes : les « Indignés » qui sont quelques centaines ce dimanche à République, et ont annoncé leur intention de s'installer quelque part.


C'est quoi objectivement un « Indigné » ? Difficile de se faire une idée en regardant ce cortège aux slogans décalés, qui exige la démocratie « réelle » ( sommes nous en démocratie « irréelle ? » ) et scande le slogan de la République française «  Liberté, Egalité, Fraternité », des fleurs à la main. Le tout, de l’extérieur, avec ses pancartes qui parlent du « peuple » et des « citoyens » ressemble à un étrange mixage entre le défilé d'un mouvement de jeunesse chevènementiste et un carnaval de quartier néo-hippie. Certains des jeunes "Indignés"  échangent leurs tracts avec d'autres militants, qui ont aussi choisi "Liberté, Egalité, Fraternité" comme devise. Mais ceux-là y ont ajouté "Sécurité". Il s'agit d'associations chinoises qui entendent réagir par une manifestation de masse à l'agression qui a plongé le fils d'un restaurateur de Belleville dans le coma.


Cette manifestation-là regroupe des milliers de personnes. Au début, avec notre regard extérieur on ne voit que des « Chinois ». Il faut bien le dire, la communauté chinoise dans la culture française commune est un ensemble indistinct, et nous avons l'habitude de penser qu'elle est tellement différente de nous qu'on ne peut rien y comprendre du tout.


Pourtant, il n'est pas très difficile de repérer la diversité sociale qui existe dans ce rassemblement : il rassemble beaucoup de familles avec leurs enfants , mais aussi des groupes de jeunes fashion victim et d'autres plus proches, vestimentairement parlant, des jeunes des quartiers populaires parisiens abonnés aux marques sportives. Au milieu de ces milliers de gens, le staff organisateur se repère très vite : d'abord par son service d'ordre. La précédente manifestation organisée l'année dernière a fini en émeute, et a priori les organisateurs ne veulent pas que ça se reproduise, le SO est donc partout .D'autres sont chargés de distribuer des macarons par milliers à coller sur les vêtements, et d'autres encore distribuent des visières à fleurs, bleues pour les garçons, roses pour les filles.


Plus tard un stock de petits drapeaux français fera son apparition. Au moins trois camions, plusieurs sono, pas mal de mégaphones...et quatre ou cinq slogans uniques, «  Liberté, égalité, fraternité sécurité » étant le plus scandé...

- Alors est-ce une manifestation « fasciste », « sécuritaire », « réactionnaire », et est-ce seulement cela ? ?

 
- Les « Chinois » sont-ils manipulés, par les leurs ou par des « Français » ?

Les fascistes pour commencer. De l'extérieur, beaucoup de choses laissent penser que l'extrême-droite française est partie prenante de cette affaire, notamment parce qu'en dehors des associations chinoises, les seuls à avoir repris officiellement l'appel sont le site Fdesouche et ses satellites qui avaient déjà fait la même chose l'année dernière.
 Mais les apparences sont trompeuses. Lorsqu'on lit les centaines de commentaires postés à la suite de l'article d'appel à la manifestation, on voit qu'UN seul commentateur insiste d'abord pour
que les militants et sympathisants se joignent à cette manif. Il prétend connaître du monde, mais rien dans ses propos ne le confirme.
Finalement, ce sont tout au plus une dizaine de fascistes directement affiliés à l'extrême-droite de diverses tendances qui seront présents et visibles au rassemblement, et cette observation est confirmée par leurs commentaires amers postés sur le site après la manifestation.
Sur place, ils ne connaissent personne, hormis leurs potes et se rassemblent entre eux, la plupart jeunes, siglés Lonsdale ou « Nationaliste autonomes lorrains ».


De plus, même à terme, la jonction entre l'extrême droite organisée française et ces mobilisations aura bien du mal à se faire : il suffit pour s'en convaincre de lire le torrent de boue raciste déversé par une partie des commentateurs de fdesouche contre les « Jaunes encore plus malins que les muzz parce qu'ils endorment tout le monde avec leur drapeau français ». Et de lire la prose de l'autre partie et sa condescendance infinie envers ces petits Chinois qui travaillent dur sans rien demander. -- La palme revenant à un des participants à la manifestation qui se vante d'avoir profité de la force du nombre pour s'en prendre à un gamin de douze ans d'origine maghrébine. (1).

- Alors qui organise cette manifestation ?

Il n'est pas forcément utile d'aller chercher d'exotiques clichés sur la « communauté impénétrable » et ses étranges réseaux semi-mafieux, semi-traditions millénaires incompréhensibles.


En fait la lecture des articles de journaux consacrés à cette manifestation comme à celle de l'année dernière donnent une clef beaucoup plus couleur locale : celle d'une bataille pour la représentativité au niveau de l'Etat et de la Mairie, des financements et des collaborations éventuelles qui vont avec.
Qu'il s'agisse de HUIJI ou de l'Association Chinoise pour le Progrès des Citoyens, plus en pointe cette année dans la représentation médiatique de la manif, puisqu'HuiJi a eu de gros problèmes financiers ( voir plus bas ) ,on est assez étonné, en visitant leurs sites, ou en regardant leur objectif initial : rien de visiblement sécuritaire, mais de l' « accompagnement administratif », de l' « activité sociale et culturelle », de la « médiation » , de l' « intégration ».

Toutes choses qui permettaient encore, il y a quelques années d'avoir pignon sur rue, des locaux, des salariés, des subventions, et d'être considéré comme l'interlocuteur représentatif de la mairie et de la Préfecture.
Mais il y a eu un tournant, à la fois national, après 2007, et local lorsque la deuxième mandature de Delanoë a commencé. Précédemment, à Paris notamment, la privatisation du social a entraîné le développement d'un secteur privé associatif dans lequel il était possible d'évoluer économiquement de manière très positive, dès lors qu'on se targuait de représenter au choix une « communauté » ou une catégorie particulière d' « exclus » voire même les deux. L'accès aux droits, à la santé quotidienne, à l'hébergement, au savoir (cours du soir et alphabétisation notamment ) , mais aussi aux activités culturelles et sportives sont passés d'une gestion plutôt municipale et départementale à une délégation au privé sous couvert de « participation ». Ces délégations de compétences représentent encore aujourd'hui des sommes énormes du budget parisien et ont donc amené le développement d'un secteur associatif para-public très important.


A Paris, la volonté initiale de Delanôe était aussi de maîtriser les luttes sociales, notamment celles issues de l'immigration, et leur importance et leur force nécessitaient un solide soutien financier et
matériel à une bureaucratie capable de les diriger efficacement et d'empêcher toute attaque de la politique de la mairie.


Mais depuis, la donne a changé : la répression brutale plutôt que la pacification sociale a été totalement assumée au niveau national, et la privatisation associative du social et du culturel à destination des classes populaires parisiennes s'est révélé n'être que le préalable à la destruction totale du secteur. Les financements se sont asséchés parfois très brutalement. Seuls ceux qui acceptaient notamment la dynamique raciste et anti-pauvres mise en place, et y contribuaient, avaient des chances d'obtenir un répit : raison pour laquelle par exemple , l'association HUINJI se retrouve participante aux débats sur l' « identité nationale » organisés à la Préfecture et obtient  une habilitation pour une « enquête-médiation » sur l'insécurité en 2009.
A cet assèchement étatique des financements, s'ajoute le nettoyage effectué par le Département et la Mairie. Ces dernières années, et malgré une communication très « sociale », Delanöe et ses élus ont fait le ménage : désormais quelques réseaux associatifs, les plus professionnalisés, qui ont avalé pas mal de structures plus petites, sont privilégiés au détriment d'initiatives plus localisées et moins aisément contrôlables, notamment parce qu'elles sont parfois encore traversées par un vrai investissement des habitants des quartiers.


C'est à partir de cette politique que des structures comme Aurore ont pu investir tous les champs du social tandis que d'autres se retrouvaient contraintes de mettre la clé sous la porte ou ….de chercher d'autres alliances ou d'autres rôles sociaux qui puissent leur apporter reconnaissance et financement.


HUIJI est ainsi mise en redressement judiciaire en 2010. Le discours de cette association sur les manifestations, au départ issue de la lutte des sans-papiers illustre bien la contradiction inhérente à ces structures : en 2010, elle n''est pas organisatrice officielle de la manifestation, mais publie cependant un long communiqué où de fait , elle appelle tout le monde à s'y joindre.

 

Si le « social » n'a plus les faveurs des pouvoirs publics, la caution sécuritaire peut être un rôle extrêmement lucratif et reconnu. A condition qu'on accepte aussi de changer le « public-cible » qu'on est censé représenter.

C'est finalement ce dont témoigne l'évolution des associations chinoises, et de la manière pour elles d'être reconnues comme réprésentatives : elles ont à nouveau retrouvé l'oreille de la mairie et de la Préfecture. Une réunion a bien eu lieu avec la police et l'adjoint à la Vie associative de la Ville de Paris, celui qui tient les cordons de la bourse à subventions : mais c'est à propos de la sécurité et dans un des restaurants les plus prospères du quartier que la réunion a lieu le 15 juin.
Pour autant, il ne s'agit pas de dire que ce conglomérat de patrons et de commerçants, d'associations en recherche de représentativité et de subventions, et d'élus socialistes qui cavalent derrière la droite et l'extrême droite a inventé l' « insécurité ».


La vie des prolétaires de l'Est Parisien est difficile, souvent dangereuse et violente : la destruction des droits sociaux l'a aggravée.


La proportion de gens qui n'ont plus aucun filet de sécurité sociale s'accroît : sans salaire, sans minima sociaux de plus en plus souvent, sans soin, souvent sans toit, et réduits à une survie qui passe souvent par la prédation envers ceux qui sont dans la même situation. L'insécurité, c'est effectivement cette guerre permanente des pauvres contre les pauvres.
Mais ce sont aussi les incendies meurtriers, la gale ou la tuberculose qui réapparaissent faute d'accès aux soins et à la prévention.
C'est l'exploitation effrénée et sans entraves permise par la destruction des droits sociaux et la chasse aux pauvres. Ainsi, la disparition des titres de séjour de dix ans et les « régularisations par le travail » ouvrent de nombreux horizons aux patrons : chinois ou pas, pas mal de salariés en sont réduits à accepter des salaires et des conditions de travail avec contrat qui sont pires que celles qu'ils avaient en étant sans-papiers. Parceque le contrat lui-même est désormais considéré par le patron comme une partie de ce salaire, parce qu'il conditionne le renouvellement du titre de séjour.
C'est aussi le racisme, l'antisémitisme, le sexisme distillés par le pouvoir et qui ont contaminé les exploités.

Dans le discours des gens interrogés dans la manifestation et celle de l'année dernière, ce racisme est dénoncé : et effectivement, on est tous un peu remis à notre place par ces chinois qui disent tout haut ce qu'on dit d'eux souvent, aussi tout haut, pour « rigoler » : les petites fourmis et
leur communauté fermée, bien gentils et plein de fric, mais qui tout de même envahissent « nos » quartiers à la vitesse grand V.


Il y a donc bien une « insécurité » vécue par les prolétaires d'origine chinoise, d'ailleurs sinon, ces manifestations ne seraient pas aussi massives, sauf si l'on souscrit à la thèse raciste encore, selon laquelle les Chinois agiraient comme un seul homme sur l'ordre de leurs « chefs ».
La preuve que cette thèse est fausse réside dans la contradiction présente à l'intérieur même de ce mouvement : sur le groupe Facebook, certains commentateurs insistent sur le fait qu'il ne faut pas qu'il y ait des revendications sur les papiers et la régularisation comme cela a été le cas l'année précédente. Pourtant il y aura bien une banderole sans papiers sur le terre-plein de la République ce jour-là, et elle évoque la caravane partie de Nice qui regroupait des gens indistinctement de leurs origines pour la régularisation de tous....qui n'est évidemment pas dans l'intérêt des patrons, des commerçants et des élus qui organisent la manifestation. Et même dans les médias, après la manifestation, la question sera évoquée.

Pourtant, cette manifestation a bien été globalement une marche sécuritaire et diviseuse : à demi-mots ce sont bien les Arabes et les Noirs de Belleville qui sont visés, même si consigne a été donnée de ne pas les nommer ainsi.
Cela ne procède pas d'une quelconque manipulation de l' « extrême-droite » : mais essentiellement de la politique menée dont nous avons parlé plus haut, et qui allie chasse aux pauvres et soutien à la petite bourgeoisie, et au communautarisme, qui constitue la condition du maintien de sa domination brutale.
C'est la raison pour laquelle, si les préjugés des autres prolétaires envers les Chinois sont dénoncés, les organisateurs de la manifestation font l'impasse sur la source de ces préjugés : ce ne sont pas les autres habitants de Belleville qui fabriquent les reportages sur la « communauté » riche, mystérieuse et tentaculaire qui fait main basse sur les quartiers, mais les chaînes de télé qui en ont fait un marronnier.
Ce ne sont pas les parisiens pauvres qui ont lancé les hostilités contre la « présence chinoise », mais la Marie de Paris elle-même qui depuis des années montrent du doigt son implantation dans le 11ème arrondissement, et organise même officiellement des rachats de boutiques pour mettre des « commerces bien de chez nous » à la place.
S'il y a bien des vies brisées à cause des agressions, objectivement, leur nombre est très inférieur à celui des vies brisées à cause des rafles dans la rue, sur les lieux de travail par cette même Préfecture qui prétend s'intéresser à l' « insécurité » vécue par les mêmes personnes.
Et quant au vol, celui des portables et des sacs est anecdotique comparé à celui de la force de travail, dans le textile, dans les restaurants, par ces mêmes représentants de la communauté, dont les associations vendent ensuite la « spécificité » de l'immigration chinoise, son « dynamisme économique ».
Tout cela une partie des prolétaires d'origine chinoise le sait : dans les luttes de sans-papiers, dans les mobilisations de parents contre les fermetures de classe, dans les luttes d'entreprise, ils sont là
comme les autres.
Raison pour laquelle ces manifestations pour désolantes et inquiétantes qu'elles soient ne sont pas le signe que la guerre des « communautés » est forcément l'avenir de Belleville et des quartiers populaires.
L'extrême-droite n'a pas encore gagné : mais si dans les mobilisations de classe, nous ne faisons pas le cordon sanitaire avec la gauche plurielle qui désormais n'hésite même plus à encourager les
mobilisations sécuritaires, si nous ne dénonçons pas toutes ces associations devenues l'appendice de la mairie et des petites bourgeoisies locales, il ne faudra pas nous plaindre si la division progresse.

 

 


 

( 1): voici le commentaire en question, assez typique de la mentalité prévalant chez les lecteurs de Fdesouche, entre lâcheté et haine pogromiste qui n'épargne surtout pas les enfants

 

@legrandsommeil

on devait etre 8000-10 000. ma cousine qui etait aller a un concert la sem. derniere l’impression que c’etait beaucoups beaucoups moins nombreux et ils etaient 6000

la manif s’est bien deroulé, avec beaucoups de retard mais les personnes arrivaient beaucoups au compte goutte (meme vers 14h30 alors que la manif etait prevu a 13h)

malheureusement il n’y avait que des asiatiques. a vrai dire que des chinois et non asiatique.

beaucoups de drapeau francais sur le corps ou un petit drapeau dans la main , je dirai bien un 85% des personnes en avait un

seul un petit groupe de cpf (3fois rien… juste 4 petit garcons de 10 a 14ans) venu pousser des cris racistes devant la gueule des cars qui etaient dans la foule, sans vouloir me vanter… j’en ai pris un sur le coté et je l’ai brusquer (pas de quoi etre fier il avait 12-14ans)

pas d’incident.

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commentaires

S
Quel est l'intérêt de cet article ? Qu'est-il censé démontrer ? Des Chinois manifestent pour le droit de vivre en paix et en sécurité...Et alors ? Où est le problème ? Et qu'est-ce que l'extrême droite vient faire dans cette histoire ? C'est une obsession chez certains !
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