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30 décembre 2013 1 30 /12 /décembre /2013 22:30

monir ajajL'univers de la mouvance fasciste regroupée autour de Dieudonné est vaste et riche, dans le fond comme dans la forme : le sympathisant moyen du politicien a accès en un ou deux clics sur n'importe quel site de cette sphère, sur n'importe quel mur Facebook de l'un de ses animateurs aussi bien à la prose d'Edouard Drumont ou d'autres antisémites du passé, qu'à des clips où à des BD négationnistes très modernes dans la forme.    

 

 Dieudonné, sur le canevas initial du complot Juif qui constitue le fondement de son récit halluciné, a depuis longtemps brodé un univers entier, où gravitent diverses sphères de haines spécifiques. Le politicien anime aujourd'hui un nouveau spectacle ciblant spécifiquement les minorités homosexuelles et lesbiennes, et multiplie les sorties racistes , comme récemment la reprise de l'association de la banane et de Taubira, assortie d'une charge contre la « pleurniche des Noirs », qui constitue sans doute son apport très attendu à la mémoire de la traite négrière.

 

Même en prenant l'hypothèse la plus favorable qui soit au spectateur de Dieudonné, peut-on un seul instant prétendre que celui-ci pourrait ne pas voir son antisémitisme ? Disons que Nicolas a été invité par Pimprenelle et qu'il y va pour cette unique raison , sans même connaître Dieudonne. A moins d'être aveugle et sourd , n'aura-t-il pas entendu chanter « Shoah-nanas » par une foule en délire ? Même au dernier des cons, peut-il échapper , qu'effectuer une sorte de Danse des Canards frénétique et rigolarde à propos d'un génocide, est forcément une marque de haine hallucinée ? Certainement pas.

 

Cependant si Nicolas a apprécié le spectacle et le message de Dieudonné, il fera désormais des quenelles. C'est ainsi désormais que se marque l'adhésion à la vision du monde développée par le néo-nazi et ses amis. Le geste symbolique est une marque de nombreux mouvements politiques , un signe d'appartenance extrêmement simple , accessible à tous. En soi, indépendamment de son contexte historique et sociologique, il ne signifie évidemment rien , un signe d'appartenance n'a de sens qu'en fonction du groupe auquel il se réfère.  

 

Aussi, ne peut-il y a avoir de réel débat sur « la quenelle est-elle un geste antisémite ? ». Ou du moins , ne peut-il y en avoir un que s'il y a débat également sur Dieudonné , sa mouvance et ses actes. Si l'on n'est pas sûr que « Shoah-nanas » est une chanson antisémite, alors on peut douter que la quenelle le soit. Si l'on n'est pas sûr que Faurisson est un négationniste, alors, on peut douter que la quenelle soit un signe de ralliement néo-nazi. Bref pour en revenir à Nicolas, s'il est antisémite alors il aura toutes les chances de prétendre que la quenelle ne l'est pas.  

 

Pourtant, c'est par le biais de cette question là que Dieudonné est revenu sur le devant de la scène ces dernières semaines. La « quenelle » est devenue un objet politique en soi, détaché de son appartenance idéologique. C'est là dessus qu'on s'interroge, à cela que sont consacrés d'innombrables sujets de reportage. Tous construits sur le même schéma, la même centralité, le « fan de l'humoriste ». Pas le « militant » ou le « sympathisant » , le « fan ». Pas le politicien, l'humoriste.      

 

 

Là est toute la contradiction : la quenelle est bien considérée comme un objet politique, puisque les médias laissent en parler ceux qui la font comme d'un geste « anti-système », mais pourtant, ceux-ci sont présentés comme de simples amateurs de spectacle, ce qui évidemment neutralise toute réflexion sur la dangerosité éventuelle de la mouvance, celle-ci étant présentée comme un simple « public ».

 

Un public « anti-système » donc, comme le répètent à l'envi ceux qui s'auto-dénomment « quenelliers »Ce qui est extraordinaire, c'est que personne , analyste politique ou journaliste n'aille leur demander ce que signifie être « anti-système ».  

Qui sont aujourd'hui les partis politiques se définissant comme « anti-système » en Europe ? Les partis d'extrême-droite et les partis néo-fascistes comme celui de Beppe Grillo en Italie.  

Quel est le fameux système dénoncé ? Celui de la « mondialisation immigrationniste dirigée par les maîtres de la finance internationale qui veulent détruire les nations ». Il suffit de lire la prose de l'acolyte de Dieudonné, Soral, pour avoir un exemple typique de cette rhétorique et de ses cibles, notamment les immigrés et les Juifs.      

 

Etre anti-système, c'est donc évidemment être antisémite, car l'antisémitisme est un des fondements de la dénonciation du « système ». Du « système », pas du capitalisme, soit dit en passant. D'une certaine manière, les troupes de Dieudonné et Soral ont donc parfaitement raison et sont sincères en parlant de la quenelle comme d'un geste « anti-système ».    

 

Medias et analystes, eux, éludent la définition exacte de la posture « anti-système » avec les troupes de Dieudonné, comme ils le font avec les électeurs de Le Pen, depuis que la dédiabolisation du parti a été mise à l'ordre du jour . Il y a en effet une profonde similitude entre les attitudes adoptées avec ces deux parties de l'extrême-droite qui se rejoignent d'ailleurs de plus en plus. Depuis de nombreuses années, déjà, l'on nous répète également que les électeurs du Front National ne sont pas tous et pas vraiment racistes, que leur vote est « contestataire » , qu'il exprime une « révolte » bien plus que la haine.

 

 Or, même en admettant que le racisme ne soit pas la seule motivation du vote lepéniste, ce qui reste encore à prouver, au minimum le racisme est considéré par ces électeurs comme parfaitement acceptable et tolérable, même lorsqu'il constitue le cœur du discours du parti pour qui ils votent. C'est la même chose pour les troupes de Dieudonné.

 

Mais la complaisance active avec le racisme et l'antisémitisme et ses vecteurs n'est-elle pas une forme de racisme et d'antisémitisme comme une autre ? De fait, c'est elle qui permet aux racistes et aux antisémites obsessionnels ou professionnels de développer leurs thèses , de faire grandir leurs forces, et de se diffuser dans différents secteurs de la société.    

 

Ainsi, que l'admirateur de Dieudonné n'ait personnellement jamais lu une ligne de Faurisson ou de Drumont, qu'il pense personnellement que les chambres à gaz ont existé, ou qu'il soit horrifié si jamais des Juifs venaient réellement à être massacrés en masse, n'a absolument aucune importance pour Dieudonné, Faurisson et les siens. En faisant la quenelle, il banalise, légitime et renforce de toute façon le négationnisme et l'appel à la violence contre les Juifs. ¨Peu importe ce que chaque individu met dans sa quenelle en plus du soutien aux néo-nazis et donc à leurs thèses, l'essentiel, c'est bien évidemment ce soutien.    

 

D'ailleurs, cela se vérifie dans les faits. C'est Dieudonné qui a appelé ses partisans à multiplier les quenelles et à lui envoyer les photos, prédisant dès la rentrée que cette stratégie créerait une « révolution de la quenelle », qui amènerait à ce que ses thèses et sa personne reviennent en force dans le débat public. Si la prédiction s'est réalisée, c'est que l'homme connaît bien les médias et a toujours été , au fond, un excellent communiquant. L'année dernière, Dieudonné avait pu constater le relatif échec de ses dernières provocations : dans une France gangrenée par l'extrême-droite, aller en robe faire le témoin de deux tueurs en série pour un mariage en prison, était somme toute trop banal face aux violences et aux manifestations de haine homophobe de la Manif pour Tous, et à leur caractère massif. De la même manière, s'afficher avec Serge Ayoub après l'assassinat de Clément Méric par un des nervis du chef néo-nazi , ne pouvait pas lui amener une bien grande indignation, dans la mesure où Ayoub était d'ores et déjà défendu par Robert Ménard et invité sur les chaînes d'info, tandis que Clément Méric et les antifascistes en général faisaient l'objet d'une campagne de haine venue non seulement de l'extrême-droite mais aussi de la droite.    

 

 

La campagne des quenelles est une manière pour Dieudonné de montrer que lui aussi a des troupes, un vivier massif de militants et de sympathisants, que lui, aussi , mérite donc cette médiatisation bienveillante dont d'autres figures néo-fascistes sont déjà l'objet.

 

 

Sur ce point l'opération a plutôt bien réussi. Et de la même manière que Marine Le Pen a eu son Robert Ménard et autres petites gloires médiatiques pour jurer qu'elle n'était pas d'extrême-droite, Dieudonné et Soral ont leurs Eric Naulleau ou leur Alexandre Astier, leurs Taddéi et leurs Nicolas Aneka pour affirmer dans les médias de masse qu'ils sont drôles et injustement privés de leur liberté d'expression. Quant aux médias, c'est désormais au conditionnel qu'ils évoquent l'antisémitisme de Dieudonné (1)   

Et de même, à côté de l'électeur FN « qui pourrait être votre voisin », a-t-on aussi dans les médias , le « quenellier-brave pompier » injustement stigmatisé, ou le « jeune fan lambda » filmé dans sa chambre d'ado avec complaisance par BFM TV.

 

D'ores et déjà, les troupes de Dieudonné sont donc dédiabolisées, en attendant la réhabilitation de leur mentor.

 

Il serait en effet hasardeux de se fonder sur les déclarations volontaristes et va-t-en guerre de Manuel Valls , qui affirme vouloir faire interdire les spectacles de Dieudonné. Claude Guéant ne parlait pas autrement de la Liste Antisioniste en 2009, tout en sachant d'avance que les moyens juridiques d'une telle interdiction n'étaient pas disponibles. De la même manière, il y a quelques mois, c'était Alain Soral et son site qui devaient être éradiqués par le Ministère de l'Intérieur. On, constatera cependant sur le site d'Egalité et Réconciliation toujours en ligne, que dans la liste dressée par Soral des proçès qui lui sont faits, aucun n'est à l'initiative de l'Etat . Et lors du procès intenté par la Licra pour faire interdire les ordureries antisémites éditées par Soral, le ministère public, représentant de l'Etat se prononça contre l'argumentation de la Licra.

 

De fait les déclarations de Valls ne sont qu'une réaction obligée à une mobilisation extérieure, celle qui a donné lieu au piratage du site de Dieudonné. S'il s'agissait réellement de porter des coups à Dieudonné et à sa mouvance, d'ores et déjà, le politicien aurait au moins eu à payer ses amendes accumulées depuis de nombreuses années et qu'il se vante de ne pas acquitter. S'il s'agissait de réprimer son antisémitisme, l'Etat aurait poursuivi de son propre chef chaque incitation à la haine raciale, spectacle après spectacle, vidéo après vidéo, ce qui n'est évidemment pas à la portée des associations antiracistes. Il aurait obtenu depuis longtemps la fermeture de ses comptes You Tube ou Facebook , également.    

 

Ce n'est pas le cas , pas plus pour la mouvance qui gravite autour de Dieudonné, que cela ne l'est pour l'ensemble de la sphère fasciste (2) . La frénésie médiatique et politicienne de cette fin d'année, qu'on a déjà vu , à de nombreuses reprises , en 2004, puis en 2009 n'aura pas de lendemains, elle aura simplement permis une caisse de résonnance et une banalisation des propos tenus, qui cette fois, d'ailleurs ne se dissimulent plus sous aucune équivoque « antisioniste » ou autre , mais sont purement et simplement nazis. Il ne s'agit plus d'insulter les Juifs sous prétexte de défendre les Palestiniens, il ne s'agit même plus de « douter » de l'existence de la Shoah, mais purement et simplement de souhaiter qu'on réouvre les chambres à gaz. Cela n'a pas empêché BFM TV le 28 décembre, d'annoncer en boucle le rassemblement de soutien organisé au théâtre de la Main d'Or, sous prétexte d'"informer" naturellement.  

 

 

En réalité, seule la mobilisation antiraciste peut amener des résultats

 

Encore faudrait-il qu'elle ne soit pas freinée de l'intérieur, car si la lepénisation des esprits est un phénomène constaté de longue date, même au sein de la gauche, il n'en va pas autrement pour Dieudonné, que les médias capitalistes n'ont pas été les premiers à dédiaboliser.

 

 

Le mouvement est venu de ceux qui constituèrent , il y a finalement peu de temps, les fidèles soutiens du politicien, ces militants d'extrême-gauche, qui , pendant des années soutinrent que Dieudonné était une victime avant tout, et qui encore aujourd'hui répètent que sa dérive est due à l'acharnement des « sionistes » contre lui 

 

Cette partie de l'extrême-gauche n'a au fond jamais eu qu'une seule chose à reprocher à Dieudonné : son départ à l'extrême-droite organisée. Elle en est encore à en chercher les raisons : en effet, jamais elle n'a ménagé son soutien à celui, qui dès 2002, pourtant avait tenu des propos antisémites sans aucune ambiguïté, et c'est Dieudonné qui a quitté les rangs de la gauche, pas la gauche qui l'a exclu.

 

Aussi furieusement « antisioniste » que lui, encore aujourd'hui , elle ne perd pas une occasion de lui reconnaître des qualités. Ainsi, un texte publié sur le blog «  Visceraoul » a-t-il eu énormément de succès dans les sphères de gauche radicale : émanant d'un militant qui se présente comme « repenti » du dieudonnisme depuis 2009, il n'est pourtant qu'une longue reconnaissance des « vérités » dites par Dieudonné, un long ressassement des obsessions qui sont aussi celles du politicien : les stratégies des fameux « sionistes », toujours présentés comme un ressort fondamental de la politique française, au point que la France aurait à recouvrer son « indépendance diplomatique », les organisations antiracistes qui sont toutes tellement ignobles qu'elles auraient dégouté Dieudonné de la gauche. ...

 

Il ne s'agit pas de cibler un militant parmi d'autres, même s'il est symptomatique que le "repenti" n'éprouve à aucun moment le besoin ne serait-ce que d'une explication, d'un mot pour les victimes de l'antisémite qu'il a soutenu, comme si elles n'existaient même pas. Mais de constater que de toute façon, sur bien des sujets, Dieudonné pourrait bien disparaître que ses idées et ses positionnements existeraient toujours , non seulement à l'extrême-droite, mais aussi dans une partie de l'extrême-gauche.

 

Les positionnements sur la Syrie en sont un exemple emblématique : cet automne, on aura vu Jean Luc Mélenchon manifester côte à côte avec les membres du « Parti Antisioniste », avec Ginette Skandrani et d'autres négationnistes , et avec toute la sphère qui gravite autour de Dieudonné, avec un prétexte d'une ignominie absolue au regard de la situation, se mobiliser « contre la guerre ». En réalité, bien sûr, la Syrie est en guerre depuis trois ans, bombardée et affamée par son dictateur, sans que cela ait entraîné une grande solidarité . Manifester contre une intervention visant les forces d'Assad ne pouvait dans ce contexte et au vu de l'attitude adoptée auparavant, qu'être un soutien assumé ou honteux au dictateur. Aussi , l'extrême-droite a manifesté de manière assumée, tandis qu'à côté d'elle, la gauche radicale ânonnait mille prétextes humanitaires et « anti-impérialistes » pour se justifier.   

 

Depuis longtemps maintenant, existe à l'extrême-gauche, une sphère, qui tout en se démarquant formellement de Soral ou de Dieudonné , dit à peu près la même chose, a la même analyse du monde et de la société, et son influence n'est pas négligeable, dans les syndicats, comme dans des mouvements tels que les Indignés. Les partisans d'un Michel Colon ont leurs entrées dans la CGT, tandis que l'UPR de François Asselineau fait l'objet d'invitations de militants du Front de Gauche dans les universités. Des sites comme Le Grand Soir ou Bellacio sont une référence incontournable pour toute une génération de militants prétendument anti-impérialistes. La librairie Résistances tenue par les dirigeants d'Europalestine, qui n'ont jamais caché leurs complicité politique avec le « biographe » de Faurisson, Paul Eric Blanrue, ou avec le négationniste Gilad Atzmon, reste un lieu fréquenté par une bonne partie de la gauche radicale. Au gré des ralliements des uns et des autres à Dieudonné, la gauche radicale s'indigne, tergiverse, sans jamais s'attaquer au fond (3) . 

 

 

En réalité, c'est ce magma nauséeux qui constitue aujourd'hui une bonne partie du fond idéologique de la gauche radicale qui empêche une lutte efficace contre Dieudonné et les siens, faute d'une remise en cause des fondamentaux qui permettent toutes les dérives, et toutes les collusions.

 

Ainsi, comment s'étonner que l'alliance entre Dieudonné et Youssouf Fofana ne choque guère, quand l'assassinat d'Ilan Halimi ne donna lieu à aucune réaction dans la gauche radicale, et qu'à l'inverse il se trouva bien des "antisionistes" pour protester contre l'"acharnement" soit-disant exercé contre ses meurtriers, quand même aujourd'hui, il est bien rare que son nom figure dans les articles de l'extrême-gauche consacrés au recensement des crimes racistes ?

 

On est « anti-Dieudo » sans trop savoir pourquoi, ce qui amène à se raccrocher à n'importe quelle charge anti-Dieudonné , quand bien même elle émane d'autres fascistes : ainsi Ahmed Moualek, l'un des soutiens historiques de Dieudonné, celui, qui avant lui, a joué la carte de « l'issu de l'immigration rallié au FN », avec son site La Banlieue s'exprime s'est-il embrouillé depuis quelques temps avec son ex-allié. Pas pour des raisons politiques , mais pour des querelles d'égo. Il bénéficiera pourtant d'une publicité assez incroyable dans les réseaux de gauche pour avoir fait une vidéo où il accuse La Liste antisioniste d'avoir bénéficié d'un versement de 3 millions d'euros de l'Etat iranien. Cette accusation ne repose que sur une chose, les dires de Soral lui-même dans une autre vidéo. Or une des manies de Soral est d'exagérer à l'infini sa stature et ses relations, et vrai ou faux, l'on ne voit guère en quoi des propos tenus publiquement pourraient constituer pour lui une révélation gênante. En réalité, elle lui permettra surtout de s'offrir une tribune dans Rue 89, où il en profitera pour accréditer l'idée selon laquelle lui et Dieudonné seraient surtout soutenus par des « musulmans français » et des « algériens », et ainsi de propager un peu plus la division et la discorde entre minorités qui est un des objectifs de la mouvance (4).

 

Quelques semaines plus tard, de la même manière, un article de JSS News sur une engueulade entre Soral et l'épouse de Dieudonné sera lui aussi partagé et diffusé largement par les « anti-Dieudonné » de gauche, alors que le site en lui même est un ramassis de discours racistes et conspirationnistes sur le « complot mondial islamiste ».

 

 

L'anti-dieudonnisme de ces derniers temps ressemble donc souvent à la chute sans fin d'un homme affolé qui se raccroche sans cesse à des branches pourries qui craquent une à une.

 

 

Pour qu'il en soit autrement, il faudra reconstruire une offensive progressiste qui ne soit pas contaminée d'entrée par des proximités idéologiques avec la sphère fasciste. Il faudra aussi en finir avec l'illusion dangereuse selon laquelle les troupes du politicien seraient composées de gentils égarés et manipulés qu'il faudrait ramener dans le droit chemin de la gauche et de l'antifascisme, en leur expliquant paternellement ce qu'ils savent au fond très bien.  

 

Il y a quelque chose de profondément pathétique en effet dans tous ces textes à visée prétendument pédagogiques édités ces derniers temps dans les sphères radicales, où tout en évitant soigneusement la question de l'antisémitisme, on s'adresse au public de Dieudonné, qu'on confond de manière raciste avec l'ensemble des jeunes issus de l'immigration et des quartiers populaires, et où on on leur parle comme à des imbéciles de bonne foi. Des révolutionnaires en herbe qui auraient cru bêtement que Dieudonné voulait abattre le capitalisme, réhabiliter la mémoire de l'esclavage, sauver les Palestiniens et les dauphins, aussi pendant qu'on y est. Des maheureux couillons qui n'attendraient que la lumière des avant-gardes éclairées pour revenir sur le chemin de la lutte de classe.

 

Pourquoi faudrait-il parer les troupes de Dieudonné de toutes ces potentialités virtuelles, les mêmes d'ailleurs dont on pare les électeurs de Le Pen, censés être des « révoltés » qui se trompent de colère ? En quoi le fait de payer quarante euros pour se dandiner en insultant les victimes des génocides, ou de partager des vidéos racistes, homophobes et antisémites, en y joignant de temps en temps une phrase pour les « bébés palestiniens » est-il le signe d'une quelconque aspiration même vélléitaire à devenir un progressiste préoccupé des souffrances du monde ? Y'a-t-il une seule cause pour laquelle on ait vu les « quenelliers » mouiller leur chemise ces dernières années ? Non, pas plus qu'on n'a jamais vu ces électeurs du FN soit disant révoltés par la situation sociale se mobiliser solidairement contre la misère.      

A force de convoiter les troupes des fascistes, celles de Dieudonné ou celles de Le Pen, la gauche ne fait qu'adopter leurs langages et leurs thématiques. A force de minimiser les responsabilités du sympathisant fasciste dans l'espoir de recruter l'égaré sans le braquer, c'est elle qui s'égare. Et oublie ce faisant, que le pays n'est pas composé que des larbins de Dieudonné et de Le Pen, mais qu'à force de ne s'adresser qu'à ceux là, on démobilise toutes celles et ceux qui cherchent une autre voie, un espace de lutte et de débat qui ne soit pas contaminé par la haine.

 

Illustration:Monif Ajaj, peintre d'origine syrienne

 

Notes

 

(1) Parmi quelques exemples de l'extraordinaire complaisance médiatique de ces derniers temps , on relèvera cet article du Point, qui définit le public de Dieudonné comme majoritairement composés de "jeunes anti-système" mais AUSSI de militants d'extrême-droite , et qui parle de "Shoah-nanas", comme d'une chanson " perçue comme antisémite par la "communauté juive" http://www.lepoint.fr/fil-info-reuters/l-interdiction-des-spectacles-de-dieudonne-envisagee-27-12-2013-1774700_240.php. On se rappellera aussi de cet article édité par Rue 89 quelques semaines plutôt consacré tout entier à la parole de ces afficionados d'Alain Soral , " qui pourraient être votre voisin" et que le journal exonérait de tout antisémitisme en indiquant qu'ils aimaient Soral pour d'autres raisons http://www.rue89.com/2013/12/05/egalite-reconciliation-site-soral-aussi-voisin-248089

 

(2) Ainsi , en cette fin décembre, la mosquée de Besançon a-t-elle été vandalisée pour la quatrième fois en un an, les inscriptions pro-FN y cotoyant les croix gammées, également peintes sur des commerces et un lycée ces derniers mois. Bien qu'il ne soit pas difficile d'identifier les groupes néo-nazis qui ne se cachent pas dans la ville, pour le moment, comme on le voit les dessinateurs de croix gammée ne semblent guère craindre la répression contre l'antisémitisme annoncée depuis des mois et réitérée ces derniers jours.

 

(3)) ainsi Pascal Boniface et Médine seront-ils promotionnés dans cette sphère pour leur ouvrage commun, pour qu'un an plus tard, cette même sphère s'indigne et se désole d'une « quenelle » de Médine, comme si elle était inattendue.

 

(4) voir ici link. On notera cependant que la rédaction de Rue 89, n'ayant sans doute pas encore tranché l'épineuse question de ce qui lui rapportera le plus de visites, les tribunes complaisantes accordée à Dieudonné et aux siens ou les tribunes antifascistes, reprend également à l'occasion de très bons textes comme celui de Memorial 98, il y a quelques jours

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commentaires

S
Le public de Dieudonné est composé à la fois de militants d'extrême droite et de militants d'extrême gauche, qui applaudissent conjointement les blagues scatologiques et antisémites du comique troupier. À cela rien d'étonnant, car il n'existe aucune différence entre l'extrême gauche contemporaine (qui n'a plus rien à voir avec celle de Che Guevara ou de Louis Aragon) et l'extrême droite la plus radicale.<br /> L'extrême gauche contemporaine est essentialiste, or tout essentialisme est un racisme ou un sexisme. Elle est donc profondément raciste, antisémite et soutient d'ailleurs des organisations néo-nazies comme les indigènes de la République, parmi d'autres avatars de l'intersectionnalisme (qui est une idéologie raciste, antisémite et anti-féministe ). <br /> Elle est puritaine, ultraréactionnaire et anti-romantique. <br /> Elle hait la culture et les intellectuels.<br /> Elle est antidémocratique, antilaïque et prône la violence.<br /> Bref, elle a TOUTES les caractéristiques de l'extrême droite la plus radicale et du fascisme.<br /> Donc lorsque vous voyez un parti ou une association d'"extrême gauche", traduisez par "extrême droite "
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D
La France Insoumise a rejoint les rangs de la dieudosphère, en plus du PIR. Pour qui les dieudonnistes ont-ils appelé à voter lors des législatives de 2017 ? Pour la candidate mélenchoniste opposée à Manuel Valls. Cela vous étonne ? Pas moi.
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S
Qu'il y ait des liens entre l'extrême-gauche et l'antisémitisme est en effet indiscutable. On peut citer l'exemple d'Alain Soral, ancien membre du parti communiste, mais aussi celui des "indigènes de la République ", groupuscule antisémite prônant également la "lutte des races", soutenu par le NPA et d'autres représentants de l'extrême-gauche antirépublicaine.
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